Victor Hugo Le manteau impérialOh! Vous, dont le travail est joie, Vous qui n'avez pas d'autre proie Que les parfums,souffles du ciel, Vous qui fuyez quand vient décembre, Vous qui dérobez aux fleurs l'ambre Pour donner aux hommes le miel,
Chastes buveuses de rosée, Qui,pareilles à l'épousée, Visitez le lys du coteau, O soeurs des corolles vermeilles, Filles de la lumière,abeilles, Envolez-vous de ce manteau!
Ruez-vous sur l'homme,guerrières! O généreuses ouvrières, Vous le devoir, vous la vertu Ailes d'or et flèches de flamme, Tourbillonez sur cet infâme! Dites-lui : ''Pour qui nous prends-tu?''
''Maudit ! nous sommes les abeilles Des chalets ombragés de treilles Notre ruche orne le fronton; Nous volons dans l'azur écloses Sur la bouche ouverte des roses Et sur les lèvres de Platon.
''Ce qui sort de la fange y rentre, Va trouver Tibère en son antre Et Charles IX sur son balcon. Va ! Sur ta pourpre il faut que l'on mette Non les abeilles de l'Hymette, Mais l'essaim noir de Mountfacon!''
Et percez-le toutes ensembles Faites honte au peuple qui tremble, Aveuglez l'immonde trompeur, Acharnez-vous sur lui, farouches, Et qu'il soit chassé par les mouches Puisque les hommes en ont peur!
| Jean de la Fontaine Les Frelons et les Mouches à miel (à l'oeuvre, on connaît l'artisan)Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent: Des frelons les réclamèrent. Des abeilles s'opposant, Devant certaine guêpe on traduisit la cause. Il était mal aisé de décider la chose: Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons des animaux ailés,bourdonnants,un peu longs, De couleur fort tannée, et tels que les abeilles, avaient longtemps paru. Mais quoi! Dans les frelons Ces enseignes étaient pareilles. La guêpe ne sachant que dire à ces raisons, fit enquête nouvelle,et, pour plus de lumière, Entendit une fourmilière. Le point n'en fut point éclairci. «De grâce, à quoi bon tout ceci? Dit une abeille fort prudente. Depuis tantôt six mois que l'affaire est pendante, Nous voici comme aux premiers jours. Pendant cela le miel se gâte. Il est temps désormais que le juge se hâte: N'a t-il point assez léché l'ours? Sans tant de contredits, et d'interlocutoires, et de fracas et de grimoires, Travaillons, les frelons et nous: On verra qui sait faire, avec un suc si doux, des cellules si bien bâties». Le refus des frelons fit voir Que cet art passait sans savoir; Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties. «Plût à dieu qu'on réglât ainsi tous les procès! Que des turcs en cela on suivit la méthode; Le simple sens commun nous tiendrait lieu de code: Il ne faudrait point tant de frais; Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge, on nous mine par des longuers; On fait tant, à la fin , que l'huître est pour le juge, les écailles pour les plaideurs». |
Florian La coquette et l'abeilleChloé,jeune et jolie,et surtout fort coquette, Tous les matins,en se levant, Se mettait au travail, j'entendes à sa toilette, Et là, souriant, minaudant, Elle disait à son cher confident Les peines, les plaisirs, les projets de son âme. Une abeille étourdie arrive en bourdonnant. Au secours! Au secours! crie aussitôt la dame: Venez, Lise, Marton, accourez promptement. Chassez ce monstre ailé.Le monstre insolemment Aux lèvres de Chloé se pose. Chloé s'évanouit, et Marton en fureur Saisit l'abeille, et se dipose A l'écraser.Hélas! lui dit avec doucer L'insecte malheureux, pardonnez mon erreur; La bouche de Chloé me semblait une rose, Et j'ai cru...Ce seul mot à Chloé rend ses sens. Faisons grâce, dit-elle, à son aveu sincère: D'ailleurs sa piqûre est légère; Depuis qu'elle te parle à peine je la sens, Que ne fait-on passer avec un peu d'encens?
| Florian La guêpe et l'abeilleDans le calice d'une fleur, La guêpe un jour voyant l'abeille, S'approche en l'appelant sa soeur. Ce nom sonne mal à l'oreille De l'insecte plein de fierté, Qui lui répond:Nous soeurs ! ma mie; Depuis quand cette parenté? Mais c'est depuis toute la vie, Lui dit la guêpe avec courroux: Considérez-moi, je vous prie, J'ai des ailes tout comme vous, Même taille, même corsage, Et, s'il vous en faut davantage, Nos dards sont aussi ressemblants. Il est vrai, répliqua l'abeille, Nous avons une arme pareille, Mais pour des emplois différents. La vôtre sert votre insolence, La mienne repousse l'offense; Vous provoquez,je me défends.
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