Le Gaucho est-il l'ennemi des abeilles ?
[vedi]Dossier gaucho/api ------- Novembre 1999
Faits et dates
1991 : Première autorisation de mise sur le marché du Gaucho® , homologué pour différentes cultures comme la betterave, le maïs, et le tournesol
1993 : début de lutilisation du Gaucho sur les semences de tournesol
24 octobre 1997 :Première réunion dinformation organisée par lACTA (Association de Coordination Technique Agricole) rassemble les représentants des syndicats agricoles et apicoles, des Ministères de lAgriculture et de la Pêche (MAP) et de lAménagement du Territoire et de lEnvironnement (MATE), de la Société Bayer et plusieurs scientifiques
11-12 décembre 1997 :séances du Comité dHomologation du MAP
19 décembre 1997 : Réunion de travail suivante, par le Ministre chargé de lAgriculture, avec les représentants des apiculteurs, de la FNSEA, de la DGAL (Direction Générale de lAlimentation), de la DPE (Direction de la Production et des Echanges) et de lONIFLHOR (office nationale interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture)
26 janvier 1998 : une réunion organisée à linitiative de la DGAL, pose les bases dun programme de recherche à léchelle nationale. un Comité de Pilotage( voir ci-dessous) est constitué, avec des scientifiques, des représentants de la production agricole, dapiculteurs, dinstituts techniques, des Ministères de lAgriculture et de lEnvironnement, et de la Société Bayer.
15 octobre 1998 : présentation des résultats préliminaires du programme devant la Commission dEvaluation de lEcotoxicité des Substances Chimiques du Ministère de lAménagement du Territoire.
16 décembre 1998 :présentation du rapport du programme de 1998 devant la Commission des toxiques. La Commission conclut que :
Les risques ne paraissent pas suffisants pour interdire lutilisation de limidaclopride. Dans lattente des études complémentaires demandées, doivent être reconduites les zones dinterdiction provisoire demploi instaurées en 1998."
15 janvier 1999 : Jean Glavany, Ministre de l'agriculture et de la pêche, décide de retirer de façon provisoire lautorisation de mise sur le marché du Gaucho pour son usage en traitement de semences de tournesol et demande une enquête épidémiologique complémentaire pour déterminer si dautres facteurs pourraient être responsables ou co-responsables des phénomènes observés sur les abeilles
28 juin 1999 : Réunion de présentation des différents projets.
(INRA , CNRS, AFSSA) et dautres analyses indépendantes, comme celle du CETIOM (Centre dEtudes Techniques des Oléagineux Métropolitains). La DGAL lance une enquête dépidémio-surveillance des populations dabeilles.
25 novembre 1999 : les premiers résultats de lenquête dépidémio-surveillance de la DGAL qui ne détectent pas de problème, sont contestés par les apiculteurs en raison des insuffisance des services de surveillance.
octobre 2000 : la DGAL demande que les rapports de synthèse soient dûment accompagnés dinformations sur les protocoles précis de préparations des sirops utilisés dans les différentes manipulations, et que les résultats danalyse des sirops utilisés (teneur exactes en imidaclopride et en métabolites) soient détaillés
25 octobre 2000 : manifestations dapiculteurs, en particulier celle du devant lusine Bayer de Cormery.
15 novembre 2000 :la commission des toxiques auditionne les représentants du CETIOM, de Bayer, et les chercheurs financés dans le cadre du Règlement Européen pour lApiculture.
13 décembre 2000 :audition des représentants des apiculteurs
18 décembre 2000 : avis de la commission des toxiques
11 janvier 2001 : avis du comité dhomologation des produits antiparasitaires du qui propose une prorogation de la suspension dutilisation du Gaucho (imidaclopride) en traitement de semences sur tournesol .
2 février 2001 : J. Glavany reconduit la suspension dutilisation du Gaucho dans les semences de tounesol.
Le Groupe Abeille
Le Groupe Abeille est un groupe de travail constitué par la Commission des toxiques du ministère de lagriculture et de la pêche. Il a pour mission de lui rendre des avis sur des produits phytosanitaires que les industriels souhaitent utiliser sur des plantes en fleurs visitée par des abeilles. Habituellement, pour commercialiser de tels produits, lindustriels doit présenter des données expérimentales établies à sa charge, montrant à la fois lefficacité de la molécule et ses effets toxicologiques. Les différentes pièces du dossier sont examinées par les commissions spécialisées du Ministère, et en particulier par groupe abeille, quand la firme demande la mention abeille , reconnaissant lutilisation sans risque du produit pendant la floraison de plantes susceptibles dêtre visitées par des abeilles. Dans le cas du Gaucho® pour le traitement des semences de tournesol, le Groupe Abeille na pas été consulté, ce produit nétant pas appliqué au moment de la floraison. Mais personne ne sest alors posé la question de la rémanence du produit lors de la floraison, sans doute par manque de recul par rapport à cette nouvelle génération de produits systémiques.
Composition du comité de pilotage du programme national 1998 :
- Ministère de lAgriculture et de la Pêche
- Ministère de lAménagement du Territoire et de lEnvironnement
- Coordination nationale des apiculteurs : représentants des syndicats apicoles (Union Nationale de lApiculture Française UNAF, Syndicat National de lApiculture SNA, Syndicat des Producteurs de Miels de France SPMF).
- Société Bayer
- Instituts Techniques : l'Association de Coordination Technique Agricole (ACTA ) et le Centre dEtudes Techniques des Oléagineux Métropolitains (CETIOM).
- Organismes agricoles ou semenciers
- Equipes dInstituts de recherche publique : AFSSA, INRA Avignon, INRA Lusignan, INRA de Bures.
Tous ces chercheurs sont retenus pour leur connaissance de la biologie et du comportement de labeille, ou des problèmes décotoxicologie et de pathologie. Pour compléter la participation aux recherches, deux équipes de chimistes, CNRS Orléans et GIRPA Angers, sont sélectionnées en fonction de leur aptitude à répondre au cahier des charges établi par la DGAL, et du caractère BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire) de leur service.
Méthodes règlementaires dévaluation des risques écotoxicologiques de pesticides vis-à-vis des abeilles :
La toxicité est essentiellement définie en conditions de laboratoire, par la détermination dune Dose Létale 50 (DL50), qui correspond à la dose de produit qui entraîne la mort de 50 % des abeilles maintenues en petits groupes . En fonction de la valeur de la DL50, le produit est considéré comme faiblement, modérément ou fortement toxique. En cas de forte toxicité, on procède à une estimation du risque en condition dexposition plus réaliste: sous tunnels, une colonie dabeilles est placée en présence dune culture traitée à la dose de produit préconisée au champ. On comptabilise les mortalités avant et après le traitement, et on relève différents paramètres dactivité de butinage et de développement de la colonie . Dautres études plus spécifiques peuvent être demandées, comme par exemple une étude des effets sur des larves dabeilles, lorsque le produit est un inhibiteur de croissance . Il est dusage de considérer que les effets obtenus en conditions dexposition au champ prévalent dans la décision finale sur la mention attribuée au produit.
Informations complémentaires sur les mécanismes possibles dune intoxication
Quelle est la toxicité aiguë du produit ? Quels sont les mécanismes en cause ? Le métabolisme de limidaclopride chez labeille, ainsi que déventuels effets synergiques entre limidaclopride et dautres produits phytosanitaires sont étudiés afin déclairer les mécanismes de lintoxication. On montre une dégradation très rapide du produit ingéré par les abeilles : ceci suggère que le produit pourra difficilement être détecté même chez des abeilles exposées au produit - et une absence de synergie entre limidaclopride dautres produits phytosanitaires susceptibles dêtre présents en même temps.
Peut-on utiliser la méthode de la Commission des Essais Biologiques n°129 sous tunnels pour létude des effets de limidaclopride ? Les essais sous tunnels dans des conditions adaptées à partir de cette méthode nindiquent pas de différences entre plantes traitées ou non traitées ;
Peut-on disposer doutils fiables pour mettre en évidence des phénomènes de disparitions massives dabeilles ? Un compteur automatique dentrées et sorties dabeilles (commercialisé par une société belge), fixé sur les ruches, semblant être un outil adapté au suivi de mouvements de populations dabeilles au champ, il est testé dans le cadre de ce programme. Pour des raisons techniques, lutilisation de compteurs à abeilles ne permet de mettre en relation les comptages automatiques et les mouvements réels de populations dabeilles, ce qui est une déception par rapport à une utilisation à grande échelle de cet outil.
Les variétés de tournesol jouent-elles un rôle dans la perturbation des abeilles ? On recherche d'éventuelles interactions entre linsecticide et la variété, en cherchant si la quantité de produit dans la plante varie en fonction de la variété de tournesol considérée (et également selon les conditions de sol et de climat) ; de plus, on examine si la sécrétion nectarifère qui attire les abeilles est différente selon les variétés, le traitement ou le lieu dimplantation. Les résultats montrent que les différentes variétés de tournesol se comportent de façon similaire par rapport à la présence de limidaclopride dans la plante, et la sécrétion nectarifère varie en fonction du site mais pas du traitement.
Dautres insectes non-cibles peuvent-ils être affectés ? Outre les populations dabeilles, dautres espèces peuvent être affectées par une exposition à linsecticide. Des études sont donc également consacrées aux effets sur les bourdons, et sur dautres insectes auxiliaires. On nobserve pas de différence notable dans la biodiversité sur parcelles traitées ou non traitées, ni dans le développement des coccinelles nourries avec le pollen de tournesols traités, ni même dans le comportement de butinage des bourdons sur des tournesols traités ; toutefois, le développement de colonies de bourdons est affecté par la consommation de sirop contaminé à des concentrations égales ou supérieures à 10 ppb.
Critiques et Réponses quant à nos résultats obtenus en 2000.
Au printemps 2000, nous transmettons les résultats de nos tests sur les effets dune large gamme de concentrations dimidaclopride (1,5 à 48 ppb). Ils montrent quaprès une exposition de plusieurs jours à limidaclopride les performances des abeilles sont affectées pour des doses ingérées comprises entre 24 et 48 ppb -c'est à dire une toxicité moins forte que celle indiquée par nos données de 1998. La critique de lunion des apiculteurs est sévère : elle sinterroge sur la validité de lessai biologique utilisé, sur le manque de reproductibilité de nos résultats, sur lorigine du produit (fourni par Bayer) et sur la pertinence des abeilles dites dhiver (nos expérimentations menées entre septembre 1999 et février 2000). Le premier point, le choix du test biologique se justifie par des travaux dautres chercheurs layant utilisé avec succès pour les effets de pesticides . La non reproductibilité des résultats est très relative, puisque les effets en 1998 et 1999 ont tous été obtenus pour des doses faibles, différant au maximum dun facteur 10, alors que même des tests a priori plus simples à standardiser comme la mesure de la DL50 pour limidaclopride peuvent varier dun facteur 100, selon les auteurs. Quant à la source du produit -la même quen 1998- et à la période dexpérimentation, nous acceptons la critique, et proposons de reprendre les tests avec un produit dun autre fournisseur et des abeilles dété. Dans un rapport complémentaire, les résultats dune étude menée au cours de lété 2000, montrent une sensibilité plus grande des abeilles dété par rapport aux abeilles dhiver , les effets sur lapprentissage olfactif survenant pour des doses comprises entre 6 et 12 ppb.